Automatisation, la course contre la montre de la formation
Par O. Abdelwahd · Publié le 9 août 2025

L’automatisation transforme les métiers industriels à grande vitesse. Source : Fanuc
L’automatisation rebat les cartes du travail industriel
L’automatisation transforme en profondeur l’industrie mondiale. Selon une analyse du World Economic Forum, d’ici 2025, 85 millions d’emplois pourraient disparaître du fait de la robotisation… mais 97 millions de nouveaux postes émergeraient, à condition de préparer les travailleurs à ces nouveaux rôles. Il ne s’agit pas simplement d’adapter les machines à l’humain, mais d’adapter l’humain à l’industrie qui vient.
Une étude du McKinsey Global Institute va plus loin, évoquant jusqu’à 375 millions de personnes devant changer de métier ou de spécialité d’ici 2030. Ce bouleversement implique une refonte profonde des politiques de formation : formations courtes, compétences transversales, certifications modulaires et surtout un accompagnement individualisé.
De son côté, l’OCDE insiste sur l’importance de former tout au long de la vie. Elle alerte sur un risque : les systèmes actuels de formation continue ne sont pas dimensionnés pour répondre à l’ampleur de la transition. Elle recommande un investissement massif, en priorité pour les travailleurs les plus exposés à l’automatisation (opérateurs, conducteurs de machines, etc.).
L’automatisation ne signifie pas la fin du travail. Elle signe plutôt la fin d’une certaine manière de travailler et appelle à une mise à jour rapide des compétences humaines. On assiste à une mutation structurelle des métiers industriels, dans laquelle l’expertise technique est toujours nécessaire mais se manifeste différemment.
Le retard des pouvoirs publics face à l’urgence des besoins
Si la transformation des métiers industriels est en cours, la réponse des institutions reste en décalage, voire en retard. Les politiques publiques peinent à anticiper l’ampleur des besoins. Trop souvent, les dispositifs de formation sont centrés sur des métiers déjà en déclin ou sur des compétences génériques peu adaptées aux réalités du terrain. Elles s’adressent généralement à des métiers moins exposés aux risques de l’automatisation, aux cadres, aux diplômés, alors que les ouvriers et les salariés non qualifiés sont six fois moins susceptibles de se former que les cadres. Ces disparités sont un frein face aux besoins de reconversion vers les métiers de l’automatisation et limitent la montée en compétence des travailleurs les plus exposés aux transformations technologiques.
Malgré des plans de relance ou des appels à projets ciblés, la coordination entre l’État, les régions, les branches professionnelles et les établissements de formation est encore insuffisante. Peu de filières sont prêtes à absorber les transitions rapides qu’impose la robotisation. Selon un rapport de l’Assemblée nationale : « Trop souvent, les initiatives publiques, partagées entre État et collectivités, ne sont pas suffisamment coordonnées entre elles ni articulées avec les initiatives privées. Les acteurs pourtant garants de cette mise en cohérence sont régulièrement laissés de côté. »
Les entreprises, quant à elles, peinent à recruter des profils qualifiés pour piloter des lignes automatisées ou maintenir des robots industriels. Le vivier n’est pas formé. Dans les territoires, les acteurs économiques constatent une inertie des institutions scolaires et des organismes publics, qui tardent à intégrer ces enjeux dans les référentiels de formation.
Même les lycées techniques ou les IUT sont parfois mal équipés pour former aux nouvelles technologies de l’industrie 4.0. Il manque des équipements, des partenariats, des formateurs spécialisés. Ce n’est pas seulement une question de budget mais aussi de vision. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois vacants dans l’industrie a triplé, atteignant 60 000 postes non pourvus, notamment des techniciens, ouvriers qualifiés ou cadres techniques. Le ministre Bruno Le Maire rappelle qu’il faudrait tripler le nombre de diplômés techniciens car le flux actuel est insuffisant pour accompagner la réindustrialisation. Mais les pouvoirs publics n’ont pas encore trouvé une solution pérenne.
Ce décalage entre l’urgence des besoins et la lenteur de la réponse publique laisse un vide, dans lequel certains acteurs privés s’engouffrent déjà pour prendre l’initiative.
Face au retard des pouvoirs publics, le privé prend les devants
Certains acteurs industriels n’attendent pas que l’appareil public se mette en mouvement. À ce titre, le cas de FANUC, leader mondial de l’automatisation industrielle, est particulièrement éclairant.
Conscient de la pénurie croissante de compétences dans le secteur, FANUC fait de la formation un axe stratégique majeur. En France, l’entreprise a mis en place un centre de formation à Lisses (Essonne), qui accueille chaque année plusieurs centaines de personnes : salariés en reconversion, enseignants, demandeurs d’emploi ou techniciens souhaitant monter en compétences.
Ces formations couvrent un spectre large : programmation de robots, maintenance, interfaces homme-machine, production flexible... FANUC ne forme pas seulement des opérateurs, mais aussi des formateurs et des partenaires pédagogiques, dans une logique d’écosystème.
L’entreprise noue également des partenariats avec des établissements scolaires et universitaires et co-développe des plateformes pédagogiques robotiques. L’idée est claire : soutenir une montée en compétence globale du tissu industriel, en impliquant directement les jeunes générations.
À travers cet engagement, FANUC montre qu’il est possible d’agir concrètement, mais son action reste isolée : pour répondre à l’ampleur des défis, ces initiatives doivent être soutenues, généralisées et intégrées dans une stratégie nationale cohérente.
L’importance des initiatives de formation pour accompagner la transformation industrielle
L’automatisation n’est pas une fatalité, contrairement à ce que certains médias sensationnalistes peuvent laisser croire, mais une transition incontournable, à l’image du passage de l’atelier artisanal à la chaîne de montage Ford. Une transition qui nécessite une action collective et coordonnée pour éviter un retard industriel. Il est essentiel de créer des passerelles solides entre les acteurs de l’éducation, de l’industrie et des pouvoirs publics afin de développer les compétences aussi vite, voire plus vite, que les robots ne progressent.
Former aux métiers de demain est une condition fondamentale de souveraineté technologique et économique, au risque d’un décrochage industriel. Il est urgent de s’inspirer d’initiatives pédagogiques, comme celles de FANUC, qui anticipent ces défis et agissent concrètement pour préparer les talents aux transformations à venir.