NVIDIA Jetson Thor sera-t-elle la pierre angulaire de l’automatisation 2.0 ?
par O.Abdelwahd · Publié le 2 septembre 2025

Jetson Thor, la nouvelle plateforme haut de gamme de NVIDIA dédiée à l’IA physique. Image : NVIDIA
Le 25 août 2025, NVIDIA a dévoilé Jetson Thor, sa nouvelle plateforme haut de gamme dédiée à l’IA physique. Il s’agit de la quatrième itération de la famille Thor, une gamme de modules de calcul embarqués (System-on-Module) et de kits de développement conçus pour exécuter l’IA directement dans les robots, drones, machines industrielles et véhicules autonomes, avec pour objectif d’assurer une autonomie complète.
Comparé à son prédécesseur Jetson Orin, sorti en 2022, Thor promet un bond spectaculaire avec 7,5 fois plus de puissance de calcul IA et 3,5 fois plus d’efficacité énergétique. Orin avait déjà marqué une étape importante, mais son autonomie énergétique restait une limite majeure.
Une puissance de calcul inédite
Basé sur l’architecture Blackwell, Jetson Thor affiche des performances impressionnantes. Il peut atteindre jusqu’à 2 070 téraflops de calcul IA, s’appuie sur un CPU Arm Neoverse à 14 cœurs, dispose de 128 Go de mémoire LPDDR5 offrant une bande passante de 273 Go/s et maintient une consommation comprise entre 40 et 130 watts.
Ces caractéristiques ne prennent tout leur sens que replacées dans l’écosystème logiciel de NVIDIA, déjà largement structuré autour de l’architecture Arm Neoverse V3AE. On y retrouve Isaac pour la robotique, Metropolis pour l’IA visuelle, Holoscan pour le traitement en temps réel des capteurs, mais surtout NVIDIA DriveOS 7 pour DRIVE AGX Thor, que Volvo, Aurora, Gatik, Tensor et d’autres ont déjà adopté pour leurs véhicules autonomes.
Tout comme les GPU NVIDIA ont démocratisé le deep learning auprès des chercheurs, startups et grandes entreprises, Jetson Thor pourrait bien devenir le standard matériel de la robotique avancée. Beaucoup d’analystes estiment que 2026-2027 pourraient marquer la première vague commerciale de véritables robots humanoïdes utiles grâce à ce bond technologique. Plusieurs entreprises testent déjà la plateforme : Boston Dynamics, Figure AI dans le domaine de la robotique humanoïde, des acteurs dans le BTP ou l’agriculture automatisée comme Caterpillar et John Deere, ainsi qu’Amazon Robotics pour la logistique.
Ces expérimentations soulèvent une question centrale : assistons-nous au début d’une adoption massive de robots intelligents dans l’industrie, la logistique ou même la santé ?
De l’IA générative à l’IA incarnée
NVIDIA présente Thor comme un pas décisif vers une IA incarnée, une intelligence artificielle capable de voir, comprendre et agir. L’idée est de faire passer les robots de simples exécutants de programmes prédéfinis à de véritables agents génératifs, capables de raisonner en temps réel sans dépendre du cloud ni d’une intervention humaine permanente.
Deux innovations techniques majeures rendent cela possible. Le support du FP4 et du FP8 permet de rendre les modèles d’IA beaucoup plus légers et donc d’en exécuter plusieurs en parallèle. Le Transformer Engine Blackwell, spécialement conçu pour optimiser les modèles de type Transformer (vision, langage, planification), ajoute une couche d’efficacité et de polyvalence.
Concrètement, un robot équipé de Jetson Thor peut exécuter simultanément une IA de vision pour analyser l’environnement, un modèle de langage (LLM) pour comprendre et interagir, une IA de raisonnement et d’action (VLA) et une IA de planification motrice. Le résultat est un robot capable de voir, comprendre, décider et agir en continu et en temps réel. Cela ouvre la voie à des usages concrets dans les usines, la logistique, la santé ou encore l’agriculture.
Encore réservé à une élite, mais la démocratisation s’annonce
Pour l’instant, la plateforme reste proposée à un prix élevé, réservée principalement aux laboratoires de recherche, startups financées et grandes entreprises. Mais NVIDIA laisse entendre que des versions plus accessibles pourraient arriver, afin de démocratiser la technologie auprès des jeunes projets.
Même si cela ne représente qu’environ 1 % de son chiffre d’affaires, NVIDIA montre son désir de se diversifier au-delà de l’IA générative sur le marché de la robotique, en particulier dans la robotique humanoïde et les véhicules autonomes. « Nous ne construisons pas de robots chez NVIDIA, mais nous travaillons avec toutes les entreprises de la planète qui en fabriquent », a déclaré Deepu Talla, vice-président de la robotique et de l’IA en périphérie (edge AI) chez NVIDIA.
La question se pose donc de savoir si Jetson Thor sera la pierre angulaire du passage de la « machine programmée » à l’agent autonome, adaptatif et interactif. Quoi qu’il en soit, avec Jetson Thor, l’ère de l’IA agentique physique est bel et bien lancée.